Le combat pour l'accès au dossier Confidentiel Défense 2000-2018
Dans l'armée pour des dossiers d'accidents tels que celui de la Minerve le classement "Confidentiel Défense" est automatique, quel qu'en soit le contenu. Sa levée est l'objet d'une procédure rigoureuse et se fait devant une commission mixte de parlementaires et de militaires.
Le secret sur le dossier Secret Défense
Les polémiques soulevées en 2000 ont attiré l'attention des parents et des proches des disparus sur l'existence de ce dossier confidentiel défense relatif à la Minerve.
Les tentatives se multiplieront pour y avoir accès, la plupart se solderont par des échecs.
Christophe Agnus, fils du Lieutenant de Vaisseau Jean Agnus sera le premier à faire une tentative pour y accéder en 2001. Il l'aura faite à chaque changement de ministre après chaque changement de Président de la République.
Il raconte sa tentative.
«J’ai, à trois reprises, demandé l'ouverture du dossier Minerve, couvert par le secret défense. J'ai essuyé trois refus. La troisième fois, j'ai été invité à déjeuner par l'Amiral Orsini, alors chef des forces stratégiques sous-marines. J'ai été reçu par une brochette d'officiers supérieurs et d'amiraux me disant en substance: "ne cherchez pas à savoir: il n'y a rien à savoir, le dossier est vide". Ma réaction, naturelle, était de dire: "si le dossier est vide, cela ne doit pas être une grande violation d'un secret défense de le montrer... ". La réponse était toujours: "Non, nous ne montrerons pas, mais il est vide." J'ai dû mal à suivre la logique. Même des années après. Aujourd'hui, j'attends qu'un jour, ce dossier soit ouvert. Car je souhaite vivement, un jour, connaître la vérité. Et j'ai le sentiment que la Marine, elle, la connaît. »
«Après l'élection de Nicolas Sarkozy, j'ai fait une nouvelle demande et j'ai alors reçu une lettre du chef de l'état -major particulier du président m'invitant à prendre contact avec le commandant des archives de la Marine de Vincennes, qui avait été averti de ma demande et de l'acceptation du président. J'ai alors contacté ce commandant, un capitaine de vaisseau, et nous avons pris rendez-vous. Le jour-dit, il m'attendait en ayant regroupé dans une pièce toutes les archives (si je me souviens bien, 5 grands cartons). J'ai pu les consulter librement. Le commandant m'avait dit, en introduction, que suite à mon courrier il avait examiné les archives et répondu à la présidence qu'il n'y avait rien, dans les documents archivés, qui justifie un secret défense aussi long. Je n'ai effectivement rien vu de particulier. C'était fin 2007 je crois. Je pense que ce sont les mêmes archives qui sont désormais ouvertes à tous. »
Le combat de Jean-Paul KRINTZ
Jean-Paul Krintz était un de ceux que l'on a appelés les "Rescapés de la Minerve" (voir ICI la page qui leur est consacrée).
Parvenu à la retraite après une carrière de gendarme, il va entreprendre un long combat pour perpétuer le souvenir de ses camarades disparus.
Lui aussi cherchera à savoir ce qui s'est passé et tentera d'avoir accès au dossier.
Jean Paul raconte comment se déroula sa visite:
«À la demande des familles des copains disparus à bord de la Minerve, je les ai accompagnées en octobre 2009, au Fort de Vincennes (siège des archives de la Marine Nationale) pour consulter les archives sur le drame de ce sous-marin survenu le 27 janvier 1968.
[ Il y avait M. Antoine Coustal et Gérard Coustal, père et frère de Marcel Coustal, Mme Marie Joseph Bassière et son époux Michel Bassière, soeur d'Alain Guérin Christophe Bassière, neveu d'Alain Guérin, Isabelle Helmer soeur de Bernard Helmer, M. et Mme Lucien Messaien père et mère de Patrick Messaien, Monique Trichery soeur de Gérard Lambert Anne-Marie Loichet mère de Maurice Loichet et Jean Paul Krintz.]
Nous avons été reçus par un commandant représentant le ministre de la Défense.
Pas de réponse à des questions précises. Un commandant ne connaissant rien des sous-marins, si ce n'est que mettre en cause la jeunesse et l'inexpérience de l'équipage.
Dernière question posée: Les archives seront-elles consultables en 2018 ?
Réponse: Non, en 2028.
En 2028 si je suis toujours vivant j'aurai 83 ans. Pourrai-je espérer les consulter ?
Le doute m'habille d'un grand mensonge de la part de cette Royale que j'ai servie avec honneur et fidélité.
En fait on nous ment sur toute la ligne, car des voix s'élèveront; discordantes des discours officiels. J'ai mal au coeur pour ces familles qui n'attendent qu'une chose: la vérité pour faire leur deuil.
Moi je me sens coupable d'être vivant et de ne pas être à leur côté, à mon poste aux auxiliaires. Merci de m'avoir lu et que peut-être cette réflexion donnera un jour sa part de vérité.»
Jean Paul mettra en ligne de nombreux documents sur You Tube. C'est lui qui obtiendra de son ami le célèbre journaliste Yves Mourousi, mort en 1998, qu'il avait croisé dans sa carrière, une copie du reportage de 1967 réalisé pour la télévision sur la Minerve 2 mois avant sa disparition. L'équipage est pour l'essentiel celui qui devait disparaître 2 mois plus tard.
Le reportage est en ligne sur ce site cliquez ICI ou sur You Tube
Le 3 octobre 2010, dans son village, Caylus, dans le Tarn et Garonne, la rue où il réside est rebaptisée "Rue du Sous-Marin Minerve". À cette occasion de très nombreuses familles se déplacent, l' amiral Jacques Blanc, président de l'AGASM (Association Générale des Amicales de Sous-Mariniers) et de nombreux représentants de la Marine.
Voir le discours de Jean-Paul Krintz en cliquant ICI
Il poursuit inlassablement son combat en attendant avec impatience le jour où l'accès aux archives sera enfin autorisé. Il est malheureusement terrassé par une crise cardiaque en mars 2017 quelques mois avant la commémoration du cinquantenaire de la disparition de la Minerve.
Jean-Paul Krintz prononçant son discours lors de l'inauguration de la Rue du Sous-Marin Minerve à Caylus