Discours d'Hervé Fauve
en mer au dessus de la Minerve
Madame la Ministre, Amiral, Mesdames, Messieurs
Enfin!
Ce simple mot résume plus que tout autre la première pensée que j’ai eue lorsque j’ai reçu l’appel de l’amiral Prazuck qui m’annonçait cette nouvelle attendue depuis tant d’années, la découverte de la Minerve après plus de 51 ans d’attente.
Immédiatement, j’ai cherché à prévenir toutes les familles avec lesquelles j’étais en contact, pour éviter qu’elles ne l’apprennent par les médias qui allaient s’emparer de la nouvelle.
Et puis, j’ai commencé à penser à tous ceux qui auraient tant aimé être prévenus.
Il y a 51 ans la plupart de ces jeunes marins avaient encore leurs parents, parfois même leur leurs grands-parents, dont bien peu sont encore des nôtres aujourd’hui.
Depuis, combien de grands-parents, de pères, de mères combien d’épouses, de fiancées de compagnes, combien de sœurs, frères, fille, cousins, amis nous ont quittés en se demandant où étaient ces marins de la Minerve. Ma propre grand-mère est morte avec le regret de ne jamais avoir su où reposait son fils aîné, toute sa vie ma mère aurait voulu savoir ce qui avait pu arriver à son mari, au père de ses enfants. Et combien ont nourri la folle espérance qu’ils étaient toujours vivants, peut-être retenus au loin, contre leur gré, mais qu’ils reviendraient.
Vous êtes aussi plusieurs à m’avoir envoyé des témoignages déchirants pour me parler de ceux qui, jusqu’à leur dernier instant, jusqu’à leur dernier souffle, se sont interrogés sur le lieu où reposait la Minerve. C’est au nom de cette angoisse, jamais calmée, que certains d’entre vous, nés bien après le drame, sont aussi là aujourd’hui prenant le relais de ce parent inconsolable.
Je n’oublie pas ces quelques marins que l’on a appelés les rescapés. Ce jour-là ils devaient être à bord de la Minerve. Le destin en a décidé autrement et ils avaient été remplacés par un autre. Toute leur vie ils ont porté la culpabilité de la mort de celui qui avait pris leur place pour que l’équipage soit au complet.
Je pense enfin, à ceux, qui, lors de l’annonce de la disparition en 1968, se sont battus, d’abord avec l’espoir de pouvoir sauver l’équipage, espérant un miracle, ensuite pour la retrouver.
Alors aujourd’hui cette cérémonie n’est pas uniquement consacrée aux 52 marins de la Minerve, elle est aussi consacrée à la foule de ceux qui auraient tant souhaité être à nos côtés en ce jour.
Depuis ce funeste 27 janvier 68, nous disions « la Minerve a disparu ». Derrière le mot “disparu”, il y avait un doute, une incertitude. Doute de ne rien savoir, doute de ne pas comprendre, incertitude sur ce qui s’était passé, incertitude sur l’endroit où ils pouvaient se trouver, incertitude sur ce qu’avait pu être leur dernier instant. Ce mot “disparu” a rongé nombre d’entre nous laissant tant de questions sans réponse.
Depuis quelques semaines, nous savons où ils reposent, nous avons pu voir ces images, terribles à nos yeux, de leur cercueil d’acier, presque préservé des ans.
Aujourd’hui au nom de toutes leurs familles, de tous leurs amis, de tous leurs frères d’armes, je voudrais remercier tous ceux qui ont contribué de près ou de loin, à ce que nous soyons là aujourd’hui.
Cela commença par l’AGASM qui nous a toujours soutenus, jusqu’à votre implication et celle de la Marine, amiral Prazuck, et enfin votre décision de faire reprendre les recherches Madame la Ministre.
Ensuite des équipes se sont mobilisées au sein de la Marine. Certaines sont représentées parmi nous aujourd’hui. Je pense à ceux que j’ai eu la chance de rencontrer, l’amiral du Che, le capitaine de frégate Thomas Guerry, le capitaine de corvette Olivier Bouzemane, l’Ingénieur en chef Julien Simon, il y en aurait bien d’autres sans doute qui me pardonneront de ne pas les nommer.
Notre gratitude est immense et nous n’aurons jamais assez de mots pour vous remercier.
Grâce à vous nous ne dirons plus jamais que la Minerve a disparu puisque nous savons où elle se trouve, là quelques 2370 m en dessous de nous.
Et c’est aux marins de la Minerve que je m’adresserai pour achever cette allocution.
Nous sommes tous venus, nous sommes là, au-dessus de vous, au plus près de votre dernière demeure, nous pensons toujours à vous, nous ne vous avons jamais oublié, et nous sommes venus vous faire ce dernier adieu que vous, comme nous, attendions depuis si longtemps.
Adieu