Discours d'Hervé Fauve
au nom des familles
Mesdames, messieurs,
Il y a bientôt 2 ans nous nous réunissions ici, en ce même lieu, nous étions nombreux à nous retrouver pour commémorer le 50ème anniversaire de la disparition de la Minerve. Notre mobilisation avait alors montré combien son souvenir était encore vivant. Nous n’imaginions pas que nous reviendrions 21 mois plus tard.
Cette commémoration fut un tournant.
Jusqu’alors, nombre d’entre nous, familles, dispersées et le plus souvent isolées, nous étions résignées, certains nourrissaient parfois de la rancœur vis-à-vis d’une marine qui ne disait rien, qui semblait cacher ce qu’elle savait. Au sein de la Marine, on déplorait les soupçons qui pesaient sur elle, entretenus par la presse, et qui lui semblaient injustes. Pour la presse la Minerve était devenue un marronnier, un sujet que l’on ressort périodiquement pour remplir des colonnes, sans se poser de question. Et pour le plus grand nombre, le nom de la Minerve était oublié.
50 ans avaient passé, une éternité.
Ce tournant que je commençais à évoquer, ce fut celui de l’unité.
Cette unité elle s’est faite parce que nous avons pris conscience qu’en fait nous ne poursuivions qu’un seul et même but, perpétuer la mémoire de ces jeunes marins disparus, de ces marins qui, pour la plupart, se lançaient plein de joie et d’énergie dans une vie qui commençait pour eux.
C’était un équipage de jeunes hommes remplis d’espérance qui s’entendaient bien, heureux de partir ensemble en mer où ils allaient apprendre à connaître leur nouveau commandant, mon père, le lieutenant de vaisseau Fauve.
Au fil des mois j’ai appris à les connaître.
J’ai découvert l’enthousiasme de Pierre Ampen l’engagement dans le scoutisme de Bernard Gadonnet, l’officier en second, la joie de vivre de Jacques Priard, l’amour du métier de Francis Leblois, l’engagement de Jacques Malarme ou de Michel Dannay, on m’a parlé d’Auguste le Mens, toujours prêt à aider, de la gentillesse d’Alain Guérin, des caractères affirmés de Bernard Hélies ou de François Meunier, de la méticulosité de Patrice Cailliau, de Gilbert Le Porq toujours prompt à entraîner ses copains dans les rues de Toulon, de Nicolas Miggliaccio, corse de Marseille, qui savait y ouvrir tant de portes, de Bernard Helmer qui adorait sa petite sœur, de ceux, nombreux, qui nourrissaient des projets de mariage comme Marcel Coustal, ceux qui s’étaient engagés dans les sous-marins pour faire plaisir à leur père comme Claude Goutorbe, le seul appelé, ou de ceux qui commençaient à envisager de partir vers une nouvelle carrière comme Bernard Doré qui y avait passé 10 ans ou le sympathique Jean Agnus à la carrure impressionnante. Je m’arrête là, sur chacun il y aurait tant et tant à dire.
C’est en pensant à ces hommes que nous avons réussi, à nous unir. Au départ nous étions quelques-uns. Pour nous le plus dur fut d’abord d’oser exposer notre douleur aux yeux de tous, de vaincre notre pudeur, et pour certains de contenir leur colère. Mais cela nous permit de rallier à notre cause un nombre croissant de personnes : les autres familles, les amis, les marins d’hier et d’aujourd’hui, la presse, des élus, monsieur Hubert Falco, monsieur Philippe Vitel, ici présents, et enfin tous ceux qui souhaitaient nous soutenir.
Ce fut le début d’un immense élan où tous nous retrouvions progressivement unis dans une immense communion autour des 52 disparus de la Minerve.
J’étais au premier rang pour voir combien cette communion fut forte entre nous tous, combien vous avez été nombreux à contribuer à faire avancer notre cause. Cela commençait par de simples encouragements, puis vinrent les idées, les conseils, les mises en relation, les contributions et enfin le travail parfois acharné de certains.
Nous n’étions plus seuls. C’était la fin de cette solitude dans laquelle nous nous sentions isolés depuis si longtemps. L’espoir de pouvoir un jour faire notre deuil, de pouvoir dire à ces marins, "nous vous avons cherché jusqu’au bout". L’espoir de pouvoir dire un jour, "nous sommes là, nous vous avons trouvé".
Nous étions sans cesse plus nombreux, permettant à notre appel d’être entendu au plus haut niveau, permettant ce qui semblait inimaginable, l’annonce par Mme Florence Parly, ministre des Armées de la reprise des recherches d’un sous-marin disparu plus de 50 ans auparavant, le seul bâtiment des marines occidentales dont les frères d’armes manquaient à l’appel.
Puis vint le 22 juillet et l’annonce qu’à 35 kilomètres d’ici l’épave de la Minerve, avait été retrouvée et identifiée.
Aussi, avant de nous rendre sur place demain avec Madame la Ministre des Armées, Florence Parly, et le chef d’État-Major de la Marine, l’Amiral Christophe Prazuck je veux dire, sans crainte de trahir qui que ce soit, au nom de ces 52 hommes, au nom de leurs familles, au nom de ceux qui les ont aimés, au nom de ceux qui auraient aimé les connaître et les aimer
Un immense merci à tous ceux qui nous ont permis de nous retrouver ici aujourd’hui autour du souvenir de la Minerve enfin retrouvée.
Merci
Hervé Fauve Photo @francis Jacquot
Hélène Audibert adjoint au maire de Toulon, Philippe Vitel Vice président conseil général, Geneviève Levy Député, Laurent Isnard préfet maritime méditerranée, Astrid Jeffrault sous-préfète, Hubert Falco Maire de Toulon, Yannick Chenevard 2è adjoint au Maire de Toulon , Jean-Philippe Rolland ALFAN @Marine