Discours du Président de l'AGASM, le Contre-Amiral Salles
Le président de l'AGASM, le Contre Amiral Dominique Salles a été l'organisateur de la cérémonie du cinquantenaire à Toulon pour honorer la mémoire des marins qui ont disparu avec le sous-marin Minerve le 27 janvier 1968.
Nous voici réunis, en jour anniversaire, pour honorer les marins disparus à bord de la Minerve. En ces mêmes instants, avec ces mêmes mots, en Bretagne, en Normandie tout comme en Hauts-de- France d’autres cérémonies honorent des marins de ce même équipage.
Le 26 janvier 1968, le sous-marin Minerve conclut avec succès neuf jours d’entraînement et de mise en condition. Le lendemain, à 07h30 et dans le sud de Toulon, il est à l’immersion périscopique, au schnorchel ; il participe à un exercice au profit d’un avion de patrouille maritime.
A 07h55, l’aéronef fait connaître au sous-marin qu’il annule l’activité en cours à partir de 08h00. Celui-ci accuse réception ; il a ainsi liberté de manœuvre. Ce sera le dernier contact.
Le sous-marin est attendu à Toulon, en soirée, à 21h00. A 20h00 puis à 23h00, l’officier de garde de l’escadrille demande aux sémaphores locaux s’ils ont eu un contact avec le sous-marin. Réponses sont négatives.
A 02h15 l’escadrille déclenche l’alerte par message officialisant l’absence de contact avec le sous-marin. Les recherches sont immédiatement entreprises par d’importants moyens aériens et de surface. Infructueuses durant une semaine, elles sont abandonnées dans la journée du 2 février.
Le 8 février, une cérémonie religieuse et militaire se déroule à Toulon, en présence du général de Gaulle.
La commission d’enquête se verra confirmer la détection d’une implosion et obtiendra une idée plus précise de sa position ; les recherches par bathyscaphe seront, elles aussi, vaines. Les conclusions de la commission sont émises au mois d’août. Celle-ci a analysé toutes les hypothèses pouvant conduire à l’accident : abordage, voie d’eau ou avarie de barre, … sans pouvoir conclure avec certitude. L’hypothèse retenue sera : « bâtiment perdant l'immersion périscopique, pesé lourd et ayant embarqué beaucoup d'eau de mer par son tube d'air ».
Cette commémoration vous est réservée à vous, familles de nos amis, de nos anciens. Quelques-uns, parmi nous, ont souvenir précis des jours qui suivirent cette disparition, de la présence silencieuse d’une foule qui vous soutenait en un jour d’affliction.
Auprès de cette rade, cinquante années plus tard, c’est avec un même élan que des marins, amis de l’équipage, sous-mariniers d’hier et d’active aussi, viennent à vos côtés
-
pour apporter la chaleur d’une affection profonde,
-
pour témoigner que l’oubli n’aura jamais quelque place en leurs cœurs,
-
pour assurer que vous n’êtes point seuls à conserver mémoire et, surtout,
-
pour vous dire leur tendresse que pudeur leur fait taire.
Telle disparition, inattendue, injuste a plongé dans l’effroi des familles éprouvées, privé des enfants de père, privé des parents de fils mais elle a, trop tard assurément, permis à notre force et à ses sous-marins de forger, d’acquérir, de maintenir aussi une sécurité plus grande.
Oui, anciens de la « Minerve », tout comme ceux de l’ « Eurydice », votre sacrifice n’aura point été vain ! Ainsi, les propositions faites à l’issue des enquêtes viseront à parer de telles catastrophes. Elles seront à l’origine d’une vision plus stricte de la sécurité, elles seront fondements de notre culture de sous-marinier que ce soit en matière
-
de conception, d’entretien ou de réglementation,
-
de formation et d’encadrement de notre personnel,
-
d’entraînement de nos équipages et de conduite de nos sous-marins.
Comme disent nos amis anglo-saxons, vos parents, nos amis sont désormais et pour toujours … en patrouille éternelle.
Ici au large de Toulon, point de croix sur leur tombe mais, sur les vagues courtes ourlées de frêle écume, vous verrez coiffes blanches, en rangs bien ordonnés, qui y montent la garde, qui veillent encore pour nous.
A dieu époux et pères, à dieu frères et fils, à dieu chers camarades, vénérables anciens, frères d’armes à jamais !
Il y a cinquante ans, sur cette même rade, le général de Gaulle vous rendait, en ces termes, des honneurs mérités :
"Des marins sont morts en mer. Ils étaient des volontaires. C'est-à-dire qu'ils avaient d'avance accepté le sacrifice et qu'ils avaient conclu un pacte avec le danger. C'est pour cela, en particulier, que le sous-marin "Minerve" a laissé au cœur de la France tout entière un souvenir profond et à ses armées un exemple qui durera. Au nom de la Patrie, je salue leur mémoire et je suis sûr que de ce qu'ils ont voulu faire et de ce qu'ils ont fait sortira pour notre France quelque chose de fort comme ils l'avaient voulu. Vive la France."
Le 27 janvier 2018
© MER ET MARINE - FRANCIS JACQUOT
© Var-Matin - Dominique Leriche