Discours de l'amiral Laurent Isnard
Préfet Maritime de Méditerranée
Madame la sous-préfète,
Mesdames les députées,
Monsieur le ministre, monsieur le maire de Toulon,
Monsieur le vice-président,
Amiral,
Mesdames, messieurs,
Chers familles et proches des marins de la Minerve,
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Le 27 janvier 1968, le sous-marin Minerve disparaît en mer.
Cinquante-et-un an après, l’émotion est intense, toujours intacte. Elle ne faiblit pas, mêlant la douleur d’avoir perdu des êtres chers au soulagement d’avoir, enfin, localisé la sépulture maritime où reposent nos 52 marins.
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La mort en mer, sous la mer, la mort de nos marins, de nos combattants nous bouleverse, nous frappe en plein cœur. Elle nous rappelle encore et toujours que si la mer peut être belle et majestueuse comme aujourd’hui, elle peut aussi être terrible. La mer nous oblige à l’humilité. Et les sous-mariniers, d’hier et
d’aujourd’hui, brillent par leur courage immense et leur sens du sacrifice hors du commun. Ils nous ont protégés, parfois au péril de leur vie et nous protègent encore. Et nous comptons sur eux, leur abnégation, leurs efforts pour nous guider en mer. Nous comptons sur eux pour nous protéger depuis les profondeurs : la dissuasion océanique, assurance-vie de la nation, est ainsi effective depuis près de 50 ans.
La Marine n’oublie pas ses frères d’armes, ses camarades. La Marine ne vous a pas oublié.
Alors, quand la ministre des Armées, Florence Parly, décide la reprise des recherches, le 24 décembre dernier, tout le monde est sur le pont. La technologie est enfin au rendez-vous. Les hommes et les femmes de tous horizons s’engagent alors sans relâche dans cette entreprise. Parce que le souvenir de la Minerve est toujours vivace. Parce que tout le monde se souvient. Tout le monde. Les proches évidemment, les marins dont les sous-mariniers bien sûr, mais aussi tous les citoyens français, et particulièrement ici, dans la ville de Toulon.
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Ces recherches ont été un succès technique certes, mais elles ont surtout été une aventure collective, une aventure humaine. Je veux saluer ici l’implication sans faille de tous les acteurs : le SHOM [Service Hydrographique et Océanographique de la Marine], l’IFREMER [l’Institut Français de Recherche pour l’Exploitation de la Mer], le SHD [Service Historique de la Défense], le CEA [le Commissariat à l’Energie Atomique et aux Energies alternatives] et la société Ocean Infinity qui ont œuvré sous la coordination de la Marine, toujours en étroite collaboration avec les familles.
La première étape, cruciale, permet de réduire de plus de moitié la zone de recherche. Avec un œil neuf, des outils modernes et une carte actualisée des courants de fonds, tous les documents d’époque sont finement analysés, des relevés sismiques de l’implosion enregistrée en 1968, au témoignage de l’aéronef qui travaillait avec la Minerve avant sa disparition, en passant par tous les indices sur la position supposée de la Minerve. Toutes les pistes sont explorées, tous les acteurs apportent leur énergie, leur expertise et leur concours.
Ce travail, minutieux, exigeant paie. Les recherches, qui débutent en février 2019, se poursuivent ensuite en juillet. Il faut alors parcourir une zone équivalente à 4 fois la ville de Paris, mais nous avons confiance : la stratégie élaborée est pertinente et réfléchie, les moyens ont une précision d’ordre métrique, les conditions météorologiques nous sont favorables.
Et le 21 juillet 2019 à 19h10, l’épave de la Minerve apparaît sur les écrans des robots sous-marins. Le souffle coupé, les larmes aux yeux, l’émotion est partout. Elle nous envahit et se répand au gré des annonces téléphoniques, de la diffusion des images. La Minerve est enfin localisée à 45km au sud-sud-ouest de Toulon par 2370 mètres de fond.
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Aujourd’hui, nous avons un lieu pour se souvenir, ici bien sûr à terre mais aussi en mer. Et demain, nous irons nous recueillir, au large, auprès de nos marins disparus.
Ils seront à jamais dans nos cœurs. Souvenons-nous !